Pour respecter les Accords de Paris et ainsi limiter le réchauffement climatique à +1,5°C, il faut dès aujourd’hui et drastiquement réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Nous venons de voir que l’utilisation d’énergies fossiles était responsable de 94% des émissions mondiales de CO2.
De plus, avec une consommation d’énergie mondiale composée à 80% d’énergies fossiles, nous pouvons affirmer sans risque que pour lutter contre le réchauffement climatique, l’énergie sera centrale.
C’est tout l’objectif de la transition énergétique qui consiste en une “modification structurelle et profonde des modes de production et de consommation d’énergie”.
La transition énergétique consiste principalement à sortir des énergies fossiles et à les remplacer par des énergies décarbonées.
Cependant, il n’y a pas une seule bonne façon de faire. La transition énergétique est un projet de société avec des enjeux politiques dont il est important de parler et de débattre.
Dans cette leçon, nous verrons quels sont les grands principes qui régissent la transition énergétique.
Avant toute chose, il est important de donner le contexte historique autour de la transition énergétique.
Il n’y a jamais eu de transition énergétique dans l’Histoire
Vous commencez à connaître ce graphique, c’est celui du mix énergétique mondial.
Ce que nous apprend ce graphique, c’est qu’il n’y a jamais eu de transition énergétique.Effectivement au fil du temps, on découvre et on utilise de nouvelles sources d’énergies, mais aucune nouvelle source ne remplace les précédentes. Toute nouvelle source d’énergie s’ajoute aux précédentes.¹
Par exemple, nous sommes passés d’un mix énergétique basé à 100% sur la biomasse, à seulement 6% de biomasse dans le mix énergétique mondial. En revanche, nous n’avons jamais consommé autant de biomasse.
De la même façon, malgré le récent et très fort déploiement des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial, elles se sont ajoutées aux sources d’énergie très carbonées dont la consommation a elle aussi augmentée.
<div style="background-color:#F99C8E;color:#FFFFFF;border-radius:8px;padding-top:16px;padding-bottom:16px;padding-right: 16px; padding-left:16px;margin-top:16px;margin-left:0px;margin-right:0px";><p>💡 Ainsi, pour que la transition énergétique advienne et que la part des énergies fossiles dans le mix électrique mondial diminue, il ne suffit pas de simplement développer les sources d’énergies peu carbonées. Il faut complètement ré-orienter notre société et son sytème de production d’énergie dominé par les énergies fossiles.</br></p></div>
Décrypter les émissions, l’identité de Kaya
Et s’il existait une formule nous permettant de comprendre d’où viennent les émission de gaz à effet de serre et de voir les leviers à notre disposition pour diminuer ces émissions ?Ça tombe bien, l’identité de Kaya est là pour ça !
Cette formule décompose les émissions des gaz à effet de serre comme étant le résultat de 4 facteurs.
- La population
- Le PIB par habitant, c’est-à-dire le niveau de vie moyen
- L’intensité énergétique, c’est-à-dire la quantité d’énergie primaire nécessaire à la production de tous les biens et services
- L’intensité carbone, c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre émise pour produire une unité d’énergie
L’objectif de la transition énergétique est de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre.
Étudions facteur par facteur comment atteindre cet objectif.
Population
D’après les Nations Unies nous serons environ 10 milliard sur Terre d’ici 2050. Cela correspond à une augmentation de 26% de la population mondiale dans les 30 prochaines années.²
Ainsi, mécaniquement si un terme de notre équation augmente, pour réduire le total, il faudra diminuer d’autant plus les autres termes.
Diminuer volontairement la population nous paraît éthiquement discutable. Nous n’envisagerons pas ici la baisse de la population comme un levier pour réduire les émission de gaz à effet de serre.
Diminuer l’intensité carbone : la décarbonation
Diminuer la quantité de gaz à effet de serre émis pour produire notre énergie, c’est le sujet qui concentre un grand nombre de nos discussions. C’est ce que l’on appelle la décarbonation de notre énergie.
Décarboner notre mix énergétique, c’est modifier nos sources d’énergies, pour passer d’un mix dominé par les sources d’énergies fossiles à un mix énergétique faiblement carboné.
Entre 1965 et 2020, la production d’énergie bas carbone a été multipliée par 9 en passant de 2600 TWh à 24000 TWh.¹
Ainsi, aujourd’hui, les sources d’énergies décarbonées représentent environ 20% du mix énergétique mondial.
Mais cette très forte croissance des énergies décarbonées n’a entraîné qu’une diminution de 13% de l’intensité carbone entre 1965 et 2019³.
Bien que cette diminution soit loin d’être négligeable, elle n’est pas suffisante pour drastiquement réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Continuer et accélérer le déploiement de sources d’énergie bas carbone est obligatoire pour réussir la transition énergétique. Cependant il semble risqué (au vue des enjeux) d’utiliser uniquement ce levier.
Voyons maintenant si vous pouvons utiliser les autres termes de l’identité de Kaya pour nous aider à atteindre notre objectif.
Diminuer l’intensité énergétique : l'efficacité
En complément de la réduction du terme “intensité carbone” de l’identité de Kaya, nous pouvons aussi chercher à réduire le terme “intensité énergétique”.
Plus concrètement cela signifie augmenter l’efficacité énergétique.
L’efficacité dans le contexte de la production d’énergie peut se résumer à faire plus avec moins.Produire plus (ou autant), avec moins d’énergie (et donc moins de gaz à effet de serre).
Améliorer le rendement d’un moteur thermique, mieux isoler un logement pour qu’il consomme moins d’énergie pour se chauffer, développer les transports en commun pour déplacer un plus grand nombre de personnes avec une consommation d’énergie faible, etc. Toutes ces initiatives sont de l’ordre de l’efficacité et participent à faire baisser l’intensité énergétique de l’économie.
<div style="background-color:#F99C8E;color:#FFFFFF;border-radius:8px;padding-top:16px;padding-bottom:16px;padding-right: 16px; padding-left:16px;margin-top:16px;margin-left:0px;margin-right:0px";><p>💡 Entre 1965 et 2018, l’intensité énergétique mondiale a diminué de 46%³. Cela veut dire que produire un dollar de PIB émet 2 fois moins aujourd’hui qu’en 1965.</br></p></div>
Attention à l’effet rebond
Historiquement nous avons toujours amélioré l’efficacité énergétique. Les moteurs de voitures et d’avions pour qu’ils consomment moins, les ordinateurs pour qu’ils soient plus petits, consomment moins de matières premières et d’énergie, etc.
Malheureusement, William Jevons met en lumière en 1865 ce qu’on appellera “Paradoxe de Jevons ou effet rebond” :L’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés n’amène pas à la baisse de consommation attendue mais plutôt à une augmentation de la consommation totale.
Quelques exemples constatés :
- Acheter une voiture qui consomme 20% de moins ne se traduit pas par une baisse de 20% de la consommation de carburant car le carburant économisé est utilisé pour voyager plus loin.
- Dans l’aviation, entre 1960 et 2015, la consommation par kilomètre-passager a été divisée par 11 mais en parallèle le nombre de kilomètre-passager a été multiplié par 65⁴.
Ainsi malgré les progrès de notre technologie, et des gains de performances exceptionnels, nous n’avons jamais autant consommé d’énergie.La performance est nécessaire mais ne peut pas se penser comme seule solution à la transition énergétique.
Diminuer le niveau de vie : la sobriété
Malheureusement, entre 1965 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 224% sur la même période. Notamment à cause de l’augmentation de la population (+130%) et l’augmentation du niveau de vie moyen (+155%)³.
En effet, les progrès dans l’efficacité énergétique (-46% d’intensité énergétique) et la décarbonation de notre production d’énergie (-13% d’intensité carbone) n’ont pas suffi à compenser la hausse de la population et celle du niveau de vie.
Un autre levier semble ainsi nécessaire pour accompagner la transition énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre : la sobriété.
La sobriété est la diminution de la consommation en énergie par des changements de mode de vie et des transformations sociales.
Contrairement à l’efficacité et à la décarbonation, elle agit directement à la source du problème : en réduisant le besoin en énergie.
Prendre son vélo au lieu de la voiture sur certains trajets, garder son téléphone plus longtemps, etc. Ce sont des mesures de sobriété qui participent à diminuer la quantité d’énergie nécessaire dans nos modes de vie et ainsi globalement à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
<div style="background-color:#F99C8E;color:#FFFFFF;border-radius:8px;padding-top:16px;padding-bottom:16px;padding-right: 16px; padding-left:16px;margin-top:16px;margin-left:0px;margin-right:0px";><p>💡 Précautions sur l’identité de Kaya</br>
Cette équation est très utile pour visualiser rapidement certains des leviers vu ci-dessus pour accompagner la transition énergétique.</br>
En revanche, il faut garder en tête que cette formule est une simplification, qu’il existe d’autres facteurs et que les 4 facteurs ci-dessus ne sont pas indépendants - l’effet rebond le prouve bien. Et surtout qu’il est impossible de faire des prévisions des émissions de gaz à effet de serre. </br></p></div>
Exemple appliqué au logement
Tout d’abord nous pourrions diminuer la température de notre chauffage d’1°C et mettre un pull, cette mesure de sobriété entraînera une baisse immédiate du besoin en énergie.
Ensuite, isoler son logement pour diminuer les besoins en chauffage (ou climatisation l’été) est une mesure d’efficacité et continue à participer à diminuer nos besoins en énergie.
Finalement, remplacer son système de chauffage au gaz par une pompe à chaleur permettra d’utiliser une énergie décarbonée. L’intérêt de placer l’étape de décarbonation en dernier est d’avoir un système de chauffage parfaitement dimensionné et adapté à nos nouveaux besoins réduits.
Conclusion
Les trois approches vues précédemment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, décarbonation, efficacité et sobriété ne sont pas opposées.
Bien au contraire, elles sont complémentaires ! Elles doivent s’appliquer en même temps pour nous aider à atteindre la neutralité carbone.
Ainsi, la première des choses est de chercher la sobriété sur les différents usages afin de diminuer à la source notre besoin en énergie.Puis, pour certains usages améliorer l’efficacité en faisant attention à limiter l’effet rebond.Enfin, pour la part incompressible des besoins en énergie qu’il nous faut conserver, décarboner permet de produire de l’énergie en émettant le moins possible de CO2.
Ces leviers ne constituent pas une “recette magique” pour réussir la transition énergétique mais doivent plutôt être considérés comme des outils et des clés de lecture à garder en tête pour discuter ou établir une stratégie de transition énergétique.
